Les débats sur l’avenir des statuts des fondations et fonds de dotation en France

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  • Dernière modification de la publication :13 décembre 2022
  • Publication publiée :5 janvier 2021
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Les fondations voient le jour dans la législation française en 1987. Les évolutions récentes du droit ont engendré de nombreux de statuts de fondations spécifiques. Ils sont aujourd’hui au nombre de huit. De nombreux spécialistes considèrent que c’est trop. Pourquoi ? La multiplicité des sources de droit, d’abord, engendre complexité et partant illisibilité. Ensuite, les statuts des fondations sectorielles semblent redondant avec les statuts des fondations généralistes dont ils s’inspirent. Enfin, il y a iniquité entre statuts de fondations, certains bénéficiant de mêmes avantages pour des contraintes différentes. Les professionnels du secteur font donc des propositions pour améliorer l’arsenal législatif, mais ils ne partagent pas tous la même vision. Cet article est une synthèse des débats sur l’avenir des statuts des fondations et fonds de dotation en France, et la contribution de SOESS.

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Le guide des statuts des fondations et fonds de dotation

La fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes décident l’affectation irrévocable d’un patrimoine à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général. Les fondations apparaissent en 1987, mais il en existe aujourd’hui huit statuts. Ce dossier a vocation à orienter les philanthropes dans leurs choix en la matière, selon leurs moyens et leur projet.

Pourquoi des débats sur l'avenir des statuts des fondations ?

L’existence de huit statuts de fondation engendre d’abord une grande complexité et un manque de lisibilité. Ensuite, la comparaison de ces statuts montre la redondance de certains d’entre eux. Les fondations sectorielles en particulier sont montrées du doigt. Enfin, certains statuts de fondations partagent des avantages fiscaux similaires, mais des contraintes légales différentes. L’iniquité entre les statuts favorise certains modèles.

La complexité

C’est la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat qui créé les fondations reconnues d’utilité publique. Trois ans plus tard la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 modifie les dispositions de la loi sur le développement du mécénat. Elle créé le statut de fondation d’entreprise et donne une existence légale à la fondation abritée ou sous égide. Ces trois statuts de fondation sont donc regroupés au sein du même texte. En revanche, c’est la loi n° 2008-776 de modernisation de l’économie qui régit les fonds de dotation. Et le droit des fondations sectorielles est éparpillé dans le Code de la Recherche, dans le Code de l’Éducation et dans le Code de la Santé Publique.

Cinq textes législatifs régissent donc huit statuts de fondation en France. Il faut y ajouter les apports de la loi sur l’Économie Sociale et Solidaire de 2014, et les nombreux décrets, ordonnances et règlements. Cette complexité fait certes le bonheur des juristes et des fiscalistes (et d’un blogueur au moins). Elle semble néanmoins un obstacle à la lisibilité du dispositif légal. C’est par conséquent un frein au développement du financement privé de l’intérêt général en France.

La redondance

Les statuts des fondations sectorielles s’inspirent tous d’un statut de fondation généraliste. Ainsi, les fondations hospitalières et de coopération scientifique sont des formes particulières de fondations reconnues d’utilité publique. De même la fondation partenariale n’est qu’une déclinaison de la fondation d’entreprise. Et la fondation universitaire, dépourvue de la personnalité morale, est une fondation sous l’égide d’une université.

Il existe certes des subtilités qui différencient les fondations sectorielles des fondations généralistes dont elles s’inspirent. On peut néanmoins s’interroger sur leur intérêt. Le nombre de fondateurs putatifs de fondations sectorielles est en effet restreint. Peu de fondations verront donc le jour sous ces statuts spécifiques. 

L'iniquité

La complexité des sources de droit et la redondance des statuts sont des questions de forme. En revanche, la question de l’iniquité des statuts pose une question de fond, ou plutôt de cohérence. C’est l’apparition des fonds de dotation en 2008 qui la soulève le plus franchement. Le statut de fonds de dotation recèle en effet de nombreux avantages. La souplesse de statuts, la liberté de création, le droit – sur autorisation du préfet – de faire appel à la générosité publique, et le peu de contrôle par l’État en sont les principaux. En 10 ans d’existence les fonds de dotation représentent la moitié des fondations en France. Les créateurs ne s’y trompent pas, et délaissent donc les autres statuts au moment de choisir un véhicule juridique pour leur projet philanthropique ou de mécénat.

Le seul désavantage marqué des fonds de dotation réside dans l’interdiction qui leur est faite de recevoir des fonds publics. En cela, la fondation reconnue d’utilité publique et la fondation d’entreprise le surpassent. L’iniquité réside au final sur trois raisons. D’abord les fonds de dotation ont la grande capacité juridique, c’est-à-dire qu’ils ont la capacité à recevoir des legs et des donations. Ils partagent cette capacité avec les fondations reconnues d’utilité publique seulement. Ensuite, ces libéralités bénéficient de l’exonération des droits de mutation. Seules certains fondations reconnues d’utilité publique bénéficient d’un tel traitement alors qu’elles sont soumises à d’importantes contraintes légales. Enfin, les fondateurs du fonds de dotation gardent le contrôle du fonds, ce qui n’est pas le cas des fondations reconnues d’utilité publique dans lesquelles les fondateurs sont nécessairement minoritaires.

Contributions aux débats sur l'avenir des statuts des fondations

Les motifs de débats sur l’avenir des statuts des fondations en France sont donc nombreux. Ils concernent tant la forme que le fond. Les juristes n’ont que peu intérêt à rendre plus lisible l’arsenal légal. En revanche, d’autres spécialistes et observateurs avisés prônent des réformes. Nous restituons ici les points de vue du Centre Français des Fonds et Fondations, de l’Inspection général des finances et de la Fondation de France qui se sont tous exprimés récemment sur le sujet.

Le Centre Français des Fonds et Fondations

Dans son Livre blanc « Fondations et fonds de dotation : des acteurs modernes et engagés de l’intérêt général », en 2018 (indisponible), le Centre Français des Fonds et Fondations présentait 10 propositions pour le secteur. La première d’entre elles était de « simplifier, clarifier le panorama statutaire des fondations pour plus d’efficacité et une cohérence d’ensemble ».

Le Centre Français des Fonds et Fondations avancait d’abord l’argument du coût. En effet, la multiplicité des statuts engendre pour les fondateurs et leurs conseils une charge administrative et juridique. Le Livre blanc du CFF pointait ensuite que la complexité des statuts est source d’incompréhension, voire d’incohérence. On suppose que les auteurs faisait ici référence au fait que certains statuts de fondations bénéficient d’avantages fiscaux identiques, sans pour autant être confrontés aux mêmes contraintes. Enfin, le CFF, en se projetant dans l’avenir des statuts des fondations, assurait que certains sont condamnés à une « obsolescence programmée ». On devine que les statuts sectoriels sont ici visés.

Le Livre blanc 2022 – 2027 compte quand à lui 15 propositions. Deux d’entre elles adresse directement notre sujet d’avenir des statuts des fondations et fonds de dotation. La proposition 06 demande l’ouverture d’un chantier de simplification des statuts et d’amélioration des procédures. La 07 appelle à ne pas créer de nouveau statut de fonds ou fondation mais viser à simplifier l’existant. On ne se prononcera pas sur le caractère redondant de ces propositions, la pédagogie, c’est parfois la répétition. 

L'inspection générale des finances

L’Inspection Générale des Finances a produit en avril 2017 un rapport portant sur le rôle économique des fondations. Ce rapport se focalise sur la capacité des fondations à détenir des entreprises. En effet, par rapport à d’autres grands pays développés, cette pratique a peu cours en France. Il recommande néanmoins au passage une simplification des statuts des fondations. Le rapport argumente que les statuts sectoriels ne nécessitent que des adaptations mineures pour se conformer aux statuts des fondations généralistes. Il propose donc la suppression des quatre statuts sectoriels.

Le rapport recommande par ailleurs la création du statut d’une structure qui aurait pour seul objet de détenir une entreprise. Pour l’Inspection Générale des Finances, l’esprit n’est pas ici de financer l’intérêt général, mais d’assurer la pérennité économique d’une entreprise. Selon elle ce « fonds de dotation économique » serait donc dépourvu de mission d’intérêt général et aurait des prérogatives fiscales réduites. Il conserverait en revanche les caractéristiques d’un organisme à but non lucratif.

La Fondation de France

La contribution de la Fondation de France aux débats sur l’avenir des statuts de fondations en France apparait dans le rapport de la Cour des Comptes sur le Mécénat d’entreprises. Ce rapport fait le bilan des 15 ans du régime fiscal du mécénat d’entreprises. Au détour de son analyse des stratégies des entreprises mécènes de leur propre fondation, il consacre quelques pages aux débats sur l’avenir des statuts des fondations. La position détaillée de la Fondation de France sur ce sujet fait ainsi l’objet d’une annexe.

La Fondation de France constate d’abord que les huit statuts de fondations partagent en commun de nombreuses dispositions. Elle déplore ensuite que les avantages dont bénéficient certains statuts de fondations ne sont pas proportionnés aux contraintes. En d’autres termes, il y a iniquité selon les statuts entre avantages fiscaux et contraintes légales. La proposition de la Fondation de France est radicale. Elle suggère en effet de ne conserver que deux statuts de fondations. La fondation reconnue d’utilité publique d’une part, la fondation de petite capacité de l’autre.

La fondation reconnue d'utilité publique

Selon la proposition de la Fondation de France, la fondation reconnue d’utilité publique conserverait son périmètre actuel. Celui-ci est marqué d’abord par la grande capacité juridique, et des avantages fiscaux importants. L’autorité qui délivre la personnalité morale, ensuite, est le ministère de l’intérieur, sur avis du Conseil d’Etat. Enfin, la fondation reconnue d’utilité publique a la capacité d’abriter des fondations sous égide. A cet égard, la Fondation de France suggère de n’accorder qu’aux fondations reconnues d’utilité publique distributives le droit de nommer fondations les patrimoines qu’elles abritent. Cette subtilité vise à éviter que la fondation abritante ne soit la seule bénéficiaire des ressources des fondations sous son égide. Cette proposition rejoint en partie les critiques à l’encontre de la Fondation Face, qui fait en effet l’objet d’une monographie dans le rapport de la Cour des Comptes.

La fondation de petite capacité ou fonds

Pour la Fondation de France, la fondation de petite capacité ou « fonds » regrouperait toutes les autres catégories de fondations. Des subtilités pourraient néanmoins être introduites selon l’objet ou le fondateur. Ainsi, une fondation dédiée à la recherche aurait l’obligation d’avoir un comité scientifique dans sa gouvernance. De même une fondation créée par une entreprise serait contrainte à une dotation minimum et limitée dans sa capacité à faire appel à la générosité publique. La volonté de simplification prônée par la Fondation de France perd là de sa force. Elle retrouve néanmoins de l’intérêt dans le parallélisme des formes. La Fondation de France suggère en effet que ce soient les préfecture qui délivrent l’autorisation de création, en assurent la tutelle et le contrôle.

Quel avenir pour les statuts de fondations en France ?

Quelle synthèse faire de ces contributions aux débats sur l’avenir des fondations et fonds de dotation en France ? On peut commencer par rappeler que la Loi de 2014 sur l’ESS a ouvert aux fondations dotées de la personnalités morale la possibilité de devenir des fondations reconnues d’utilité publique. Il existe donc déjà une sortie par le haut de la multiplicité des statuts de fondations.

Le contexte des débats sur l'avenir des statuts de fondations

Au regard de la complexité juridique et de la redondance des statuts de fondations, un toilettage législatif est un minimum nécessaire. De plus, les coups de barres politiques ont engendré une véritable iniquité entre les statuts. Un rééquilibrage s’impose donc. Les contributions aux débats sur l’avenir des statuts de fondations que nous avons étudiées sont plus ou moins ambitieuses, et pas toujours dénuées d’intérêts particuliers. Professionnels et grand public s’accordent néanmoins pour réclamer de la lisibilité.

Certaines polémiques vont jusqu’à questionner le bien fondé des incitations fiscales au financement de l’intérêt général par les particuliers et les entreprises. Elles n’ont rien de nouveau en France, où historiquement la responsabilité du financement et de la mise en œuvre de l’intérêt général fait débat. La tension sociale en France, d’une part, et la crise des finances publiques, d’autre part, sont pourtant deux bonnes raisons d’accueillir avec bienveillance les contributions privées. La seule question qui vaille est celle de l’encadrement par la loi du dispositif. Le contexte est donc propice à un débat de fond sur l’avenir des statuts des fondations et fonds de dotation.

Notre contribution aux débats sur l'avenir des statuts de fondations

Les associations ont la loi de 1901 sur le contrat associatif. Si le texte a perdu de sa simplicité originelle en plus d’un siècle, il n’en reste pas moins une référence populaire car il contribue à la lisibilité du contrat social. Nous appelons ici de nos vœux un texte tout aussi fondateur pour les statuts des fondations. Le contrat associatif repose sur un regroupement de personnes. Les fondations reposent sur l’abandon d’un capital à une cause. Cet esprit de la définition initiale de la fondation mérite d’être mis en exergue.

En partant du principe que les fondations sectorielles sont redondantes, et vouées à l’obsolescence, subsistent dans le débat sur l’avenir des fondations quatre statuts généralistes. 

Deux pierres angulaires au débat : les ressources et le contrôle

Pour simplifier et distinguer de futurs statuts de fondation, on peut s’arrêter sur deux éléments incontournables : Les ressources financières publiques et privées d’une part, le contrôle par les fondateurs et l’Etat d’autre part. 

Les ressources des fondations proviennent de leur capacité à recevoir des libéralités, et, dans leur fonctionnement, des fonds publics. Pour qu’il y ait fondation, il faut qu’il y ait abandon de patrimoine, et par conséquent libéralité (legs ou donation). La question à arbitrer est donc celle des taux de mutation qui sont appliqués aux libéralités. La question de l’usage des fonds publics est elle plus binaire : les fondations y ont-elles droit, et si oui, lesquelles ?

En corolaire des avantages concédés par l’Etat, deux questions se posent. D’une part, les fondateurs ont-ils le contrôle de leur fondation ? En d’autres termes sont-ils majoritaires dans sa gouvernance ? D’autre part, quel est le droit de regard ou de contrôle qu’exercent les pouvoirs publics sur la fondation et ses ressources ?

Trois statuts de fondation pour l'avenir

En raisonnant à partir de ces deux pierres angulaires, SOESS fait la proposition suivante pour simplifier à l’avenir les statuts des fondations en France : 

  • Les fondations reconnues d’utilité publique : Les fondateurs restent minoritaires et le contrôle de l’Etat fort. Par conséquent, toutes les ressources, y compris les fonds publics, leur sont autorisées, et les taux de mutation sur les libéralités faibles ou gratuits. La barrière à l’entrée reste élevée, c’est-à-dire que le patrimoine à affecter à la cause est important. 
  • Les fonds de dotation : Les fondateurs gardent le contrôle de la gouvernance et bénéficient d’une grande liberté de statuts. En revanche, les taux de mutation sur les libéralités persistent, à un niveau qui reste à déterminer. De même, les fonds de dotation n’auraient pas l’autorisation de percevoir des fonds publics. Le montant de patrimoine à mobiliser pour la création du fonds de dotation reste accessible, dans l’idée de poursuivre la démocratisation de la philanthropie à la française. 
  • Les fondations abritées : Préexistantes à l’existence même du statut du fondation dans le droit français, et dépourvues de la personnalité morale, il importe de conserver les fondations abritées. Comme c’est le cas aujourd’hui, elles ne pourraient voir le jour que sous l’égide d’une relation contractuelle avec certaines fondations reconnue d’utilité publique. Ces dernières seraient sous contrôle fort de l’État, qui pourraient mieux encadrer les pratiques. 

Ce dossier traite des réductions d’impôt sur le revenu et sur la fortune immobilière, des droits de mutation des legs et donations, et du mécénat d’entreprises. Sont aussi abordées les notions d’organisme d’intérêt général et reconnus d’utilité publique et les procédures de rescrits à la disposition des associations et fondations.

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