Qu’est-ce qu’une fondation en droit français ? Définition

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  • Dernière modification de la publication :5 avril 2024
  • Publication publiée :1 septembre 2018
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La définition d’une fondation dans le droit français contemporain apparait en 1987. La fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif. En d’autres termes, la définition de la fondation dans le droit français repose sur la notion de patrimoine. C’est ce qui la distingue de l’association qui est elle un regroupement de personnes.

La définition moderne de la fondation dans le droit français est le produit de l’histoire. Les règles qui régissent les fondations touchent en effet à la fiscalité de la transmission du patrimoine. Les rapports complexes de l’État avec les religions dans l’histoire ont aussi eu leur impact. Enfin, la mission des fondations, organismes privés, s’inscrit dans un débat continu en France sur le financement de l’intérêt général.

La consécration des fondations dans la législation en 1987 est donc historique. Depuis, de nombreux textes sont venus enrichir la définition initiale de la fondation dans le droit français. Particuliers, entreprises, associations et établissements publics disposent dorénavant de plusieurs véhicules juridiques. Au nombre de huit, ces statuts de fondations sont cependant complexes. Ils font aujourd’hui l’objet de débats et de tentatives de simplification.

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Histoire des fondations en France

Les fondations ne sont pas un phénomène contemporain en France. Au Moyen-Age les fondations caritatives portées par les ordres religieux œuvrent déjà. Elles s’investissent dans le domaine de la santé ou l’enseignement.

La renaissance : l'apparition des fondations dans le droit français

A la renaissance, dans le mouvement de création des académies, d’autres fondations, laïques, apparaissent. L’Institut de France est aujourd’hui encore en capacité juridique d’abriter des fondations sous son égide. Dès 1666 l’existence des fondations repose cependant sur leur autorisation royale par lettres patentes. La logique qui justifie ce régime d’autorisation préalable repose d’abord sur un enjeux de fiscalité. En effet, les biens qui sont affectés de façon irrévocable à une fondation ne changent plus de propriétaire. L’État ne perçoit donc plus les droits de mutation qu’il prélève lors des ventes ou des successions.

Les Lumières et l'utilité publique

Dans le contexte qui suit la Révolution Française, ensuite, deux éléments perturbent durablement les rapports entre les fondations et l’État. En premier lieu, la tradition jacobine donne un rôle central à l’État dans la définition de l’intérêt général et pour sa mise en œuvre. L’État français est donc jaloux de ses prérogatives, et méfiant à l’égard de l’initiative privée. En second lieu, et non sans lien avec ce qui précède, l’État entretient au XIXième siècle des relations tumultueuses avec les congrégations religieuses. Il distribue donc avec grande parcimonie la reconnaissance d’utilité publique qui permet aux personnes morales à but non lucratif de constituer un patrimoine. Des fondations voient néanmoins le jour dans cette période, l’Institut Pasteur par exemple le 4 juin 1887.

Le lent avènement des fondations dans le droit en France

Au début du XXième siècle, le régime fiscal des fondations leur est défavorable. A la fin des années 1960, la France compte 250 fondations seulement. C’est très peu par rapport aux autres grandes puissances du monde libre. Les trente glorieuses se prêtent pourtant bien à la contribution du secteur privé au financement de l’intérêt général. C’est dans ce contexte que la Fondation de France voit le jour en 1969, sous l’autorité du Général de Gaulle et d’André Malraux. Le contexte légal reste néanmoins morose pour les fondations jusqu’en 1987, date à laquelle la loi sur le développement du mécénat est adoptée.

Les éléments de définition de la fondation en droit français

L’article 18 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat donne sa définition à la fondation dans le droit français contemporain. La fondation est « l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif ».

La dotation : l'élément fondamental de la définition de la fondation

L’affectation irrévocable des biens, droits ou ressources se fait par le don, la donation ou le legs d’un patrimoine à la fondation, en tant qu’entité juridique. Dans le langage des fondations, elle constitue la dotation. Dans l’esprit de la définition initiale de la fondation dans le droit français, cette dotation est intangible. Néanmoins, les textes prévoient désormais que pour certains statuts de fondations la dotation est consomptible. Les produits de la dotation, les revenus du capital de la fondation en d’autres termes, sont utilisés pour mener à bien la mission d’intérêt général de la fondation. Ce ne sont pas pour autant leurs seules ressources. Selon leurs statuts en effet, certaines fondations ont, par exemple, accès aux subventions publiques ou peuvent faire appel à la générosité publique.

La mission d'intérêt général des fondations : dans la complexité du droit fiscal en France

La notion d’intérêt général est un objet de débats constants en France. Elle n’est pas définie en tant que telle dans le droit français, bien que la jurisprudence l’utilise beaucoup. Pour contourner cet écueil, le fisc donne une définition en creux des organismes d’intérêt général. Les fondations entrent dans cette définition. Mais le législateur, pour élaborer des incitations fiscales à donner à certaines causes, définit aussi des domaines d’intérêt général. Les fondations, pour faire bénéficier à leurs donateurs d’avantages fiscaux, doivent avoir pour objet la réalisation de missions d’intérêt général telles que posées par le législateur.

La non lucrativité selon le droit français : la gestion désintéressée de la fondation

Le but non lucratif n’interdit pas l’exercice d’activités lucratives. Celles-ci sont néanmoins très encadrées pour les fondations. La notion de non lucrativité implique que la fondation est dirigée à titre bénévole. Les fondations partagent cette caractéristique avec les associations. Les produits du patrimoine ne peuvent donc en aucun cas être distribués aux fondateurs ou aux administrateurs de la fondation.

Les huit statuts de fondation définis par le droit français

Compte tenu de l’histoire, la définition originale d’une fondation dans le droit français ne créait que les fondations reconnues d’utilité publique. En effet, dans sa rédaction initiale, l’article 20 de la loi sur le développement du mécénat interdit à tout autre groupement d’user de l’appellation de fondation. Or l’Institut de France abrite des fondations au sens de la définition de la loi de 1987. De cette contradiction nait donc un contentieux administratif. La section de l’intérieur du Conseil d’État, saisie par le Ministre de l’Intérieur, dans son avis rendu en 1988, autorise l’Institut de France a utiliser le terme de fondation.

Les fondations généralistes

Un an et demi plus tard, le législateur apporte des modifications à la loi de 1987 pour créer le statut de fondation d’entreprise. Il en profite pour donner aux fondations abritées ou sous égide une définition légale. En corolaire, les fondations reconnues d’utilité publique, à quelques conditions, obtiennent la capacité de fondation affectataire ou abritante. En 2008 la Loi de modernisation de l’économie crée un nouveau statut, celui des fonds de dotation. Ces quatre statuts sont dit généralistes.

Les fondations reconnues d'utilité publique et abritantes

Les fondations reconnues d’utilité publique sont les premières des fondations, au sens légal comme au figuré. Elles possèdent en effet la grande capacité juridique. C’est-à-dire, en résumé, qu’elles ont donc accès à toutes les ressources légales pour les organismes d’intérêt général. Toutes les personnes physiques et morales peuvent créer une fondation reconnue d’utilité publique. Néanmoins, la création d’une fondation reconnue d’utilité publique suppose la mobilisation d’une somme d’environ 1,5 millions d’euros pour constituer la dotation. Par ailleurs, les fondations reconnues d’utilité publique doivent se conformer à des statuts types. Ses fondateurs ne peuvent donc être majoritaires dans la gouvernance. La fondation reconnue d’utilité publique acquiert la personnalité morale par la publication d’un décret pris en Conseil d’État et publié au Journal officiel.

En outre, les fondations reconnues d’utilité publique ont la capacité d’abriter des fondations sous égide. Pour devenir des fondations abritantes, les fondations reconnues d’utilité publique doivent solliciter une modification de leurs statuts. L’octroi de la capacité à abriter se base sur des critères tels que l’ancienneté de 3 ans, la capacité à mobiliser les ressources nécessaires, et des projets concrets d’abri…

Les fondations abritées ou sous égide

Par définition une fondation abritée ou sous égide n’a pas la personnalité morale. C’est la fondation abritante qui lui procure les avantages de ses propres statuts. En général il s’agit de fondations reconnues d’utilité publique. Si elle est dénuée de la personnalité morale, en revanche, la fondation abritée ou sous égide a une existence administrative et budgétaire propre. La fondation abritante accompagne le créateur de la fondation abritée dans l’élaboration de sa stratégie philanthropique ou de mécénat. Elle s’occupe de l’administratif et de la comptabilité. La relation entre fondation abritée (ou sous égide) et fondation abritante (ou affectataire) relève du simple contrat entre les deux parties.

Les fondations d'entreprise

La fondation d’entreprise peut être créée par les sociétés civiles ou commerciales, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les coopératives, les institutions de prévoyance et les mutuelles. Les ressources qu’apportent les entreprises fondatrices doivent s’élever au minimum à 150 000 euros sur 5 ans. Les spécificités de la fondation d’entreprise reposent d’abord sur sa durée limitée et sur la consomptibilité de sa dotation. Elle doit donc s’engager sur un programme d’action pluriannuel de recettes et de dépenses. Ensuite, la fondation d’entreprise ne peut pas faire appel à la générosité du public. Elle n’est pas autorisée non plus à recevoir des libéralités de tiers extérieurs. Elle peut en revanche recevoir des subventions publiques et les dons des salariés et actionnaires de l’entreprise. Par ailleurs, statutairement, au moins un représentant des salariés siège au Conseil d’administration de la fondation d’entreprise. Enfin, la fondation d’entreprise acquiert la personnalité morale par simple arrêté préfectoral.

Les fonds de dotation

Les fonds de dotation sont l’adaptation à la française des endowment funds américains et anglais. Ils présentent de nombreux avantages. D’abord, les statuts sont libres, et une simple déclaration en préfecture suffit à créer un fonds de dotation. Ensuite, les fonds de dotation ont la capacité juridique à recevoir des libéralités exonérées de droits de mutation. Enfin, le montant minimum de la dotation, qu’elle soit intangible ou consomptible, est de 15 000 euros seulement. En revanche, les fonds de dotation ne peuvent pas recevoir de fonds publics. Et ils doivent obtenir une autorisation préfectorale pour faire appel à la générosité publique. Depuis leur création dans le droit français il y a dix ans, les fonds de dotation rencontrent le succès. Ils représentent aujourd’hui une fondation sur deux.

Les fondations sectorielles : des définitions dispersées dans le droit français

Il existe par ailleurs quatre statuts de fondations sectorielles dans le droit français. Chacun de ces statuts est une déclinaison d’un statut de fondation généraliste. Ils s’adressent en revanche à certains établissements publics, œuvrant dans un domaine bien spécifique.

La fondation hospitalière

La fondation hospitalière emprunte une grande partie de ses caractéristiques aux fondations reconnues d’utilité publique. Néanmoins, les articles L6141-7-3 et L6143-1 du Code de la santé publique et le décret d’application n° 2014-956 du 21 août 2014 relatif aux fondations hospitalières précisent ses modalités de création et de fonctionnement. La fondation hospitalière œuvre nécessairement à la recherche dans le domaine de la santé. Seuls des établissements publics de santé peuvent créer une fondation hospitalière.

La fondation de coopération scientifique

Les fondations de coopération scientifique sont aussi une déclinaison des fondations reconnues d’utilité publique. Elles sont soumises à des dispositions spécifiques du Code de la Recherche. Elles ont pour objet spécifique de développer la recherche scientifique. Un établissement d’enseignement supérieur ou de recherche doit nécessairement figurer parmi leurs fondateurs. La dotation initiale des fondations de coopération scientifique est d’au moins un million d’euros. Des fonds publics peuvent néanmoins y contribuer en tout ou partie. Les fondations de coopération scientifique ont la capacité d’abriter des fondations sous égide. C’est le Ministre chargé de la recherche qui publie le décret autorisant les statuts.

La fondation partenariale

La fondation partenariale est calquée sur la fondation d’entreprise. En effet, un établissement peut la créer seul. En revanche elle œuvre spécifiquement dans le cadre des missions du service public de l’enseignement supérieur. Seul un établissement public à caractère scientifique peut donc créer une fondation partenariale. C’est ainsi le recteur d’académie qui délivre l’autorisation administrative de création de la fondation partenariale. La fondation partenariale emprunte cependant aussi quelques traits aux fondations reconnues d’utilité publique. En effet, par dérogation au régime des fondations d’entreprises, elle peut avoir une durée illimitée, faire appel à la générosité publique et recevoir des libéralités. Enfin, la fondation partenariale a la capacité d’être abritante.

La fondation universitaire

La fondation universitaire partage bien des traits avec la fondation partenariale. En effet, seuls peuvent en être à l’origine des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ou des établissement public de coopération scientifique. Cependant, c’est au statut de fondation abritée qu’appartient la fondation universitaire, car selon les dispositions du Code de l’Éducation elle ne dispose pas de la personnalité morale. Une fondation universitaire ne peut être abritée que par l’établissement qui l’a créée. Les universités ne peuvent néanmoins créer seules une fondation universitaire. Leur financement doit en effet être majoritairement privé.

Pour aller plus loin sur la définition des fondations en droit français

A la comparaison de ces huit statuts de fondations dans le droit français, on constate plusieurs éléments. D’abord une forme de redondance. En effet les fondations sectorielles sont toutes une déclinaison d’un statut de fondation généraliste. Ensuite, une certaine iniquité. Certains statuts de fondations bénéficient en effet d’avantages fiscaux importants, sans avoir les mêmes contraintes légales que d’autres. Enfin, c’est la complexité du dispositif légal qui apparait. Ces éléments nourrissent un débat sur l’avenir des statuts des fondations et fonds de dotation. Le législateur l’a compris, et semble préparer le terrain d’une simplification future. La Loi ESS de 2014 instaure en effet pour les fondations dotées de la personnalité la possibilité de se transformer en fondations reconnues d’utilité publique.

La fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes décident l’affectation irrévocable d’un patrimoine à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général. Les fondations apparaissent en 1987, mais il en existe aujourd’hui huit statuts. Ce dossier a vocation à orienter les philanthropes dans leurs choix en la matière, selon leurs moyens et leur projet.

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