2003 – 2018 : Le Rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat d’entreprises

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  • Dernière modification de la publication :6 mai 2024
  • Publication publiée :9 mars 2019
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Instauré en 2003 par la Loi Aillagon, après des années plus timorées, le régime fiscal du mécénat d’entreprises connait un succès important. La Commission des Finances de l’Assemblée Nationale a sollicité la Cour des Comptes pour faire le bilan des 15 années d’existence du dispositif. Le Rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat d’entreprises s’intitule, sans ambiguïté, Le soutien public au mécénat d’entreprises – Un dispositif à mieux encadrer.

Cet article présente seulement les traits saillants du rapport. Il ne s’attarde volontairement pas sur les spécificités du mécénat culturel, ni sur les comparaisons internationales. Notre article ne chronique pas non plus les conclusions des enquêtes de la Cour des Comptes sur les fondations Face, Louis Vuitton, et du Patrimoine. Nous vous en conseillons néanmoins la lecture, assez savoureuse.

Le rapport de la Cour des Comptes expose d’abord le succès de dispositif du mécénat, nuancé selon la taille des entreprises. Il consacre ensuite une longue analyse aux stratégies des entreprises mécènes. Enfin, après avoir constaté les manquements de l’État en termes d’analyse de la dépense fiscale et de contrôle, la Cour formule des recommandations. 

Mécénat d'entreprise - le guide - Couverture

Le Guide du mécénat d'entreprise

Le mécénat permet aux entreprises de contribuer à l’intérêt général tout en bénéficiant d’avantages fiscaux et de contreparties. Pour les sociétés qui veulent démontrer leurs valeurs et engager leurs collaborateurs, le mécénat présente de nombreux avantages. Ce guide s’adresse aux entreprises qui souhaitent se lancer dans le mécénat de manière stratégique, ou améliorer plus encore leur impact social.

Le succès de l'incitation fiscale au mécénat

Pour expliquer le succès du dispositif, la Cour des Comptes ne fait pas l’économie d’une description du régime fiscal du mécénat d’entreprises. Elle présente ainsi les incitations prévues à l’article 238 Bis du Code des Impôts : la réduction de 60% du montant du don et le plafond de 5 pour 1000. Le rapport insiste aussi sur l’avantage que constituent les contreparties. En évoquant le large panel d’acteurs auquel les entreprises peuvent donner, les auteurs discutent la notion complexe d’organisme d’intérêt général. Ils renvoient ceux qui s’interrogent sur cette qualité à la procédure de rescrit fiscal mécénat. Le rapport souligne que ces organismes ne sont soumis ni à habilitation ni à agrément.

Un recours au dispositif multiplié par 10 en moins de 15 ans

Selon les données fiscales, le nombre d’entreprises mécènes est passé de 6 500 en 2005 à 68 930 en 2017. La dépense fiscale liée au mécénat est passée de 90 millions d’euros en 2004 à plus de 900 millions d’euros en 2017. Le graphique ci dessous, extrait du rapport, montre qu’en 12 ans le recours au dispositif fiscal à été multiplié par 10.

graphique cour des comptes mécénat nb entreprises bénéficiaires

Le succès du dispositif d’incitation fiscale est indéniable. Pour la Cour, rien n’indique que la croissance du mécénat des entreprises ralentisse dans les années qui viennent.

Un succès nuancé selon les catégories d'entreprises mécènes

Le rapport de la Cour des Comptes considère, de plus, que les données fiscales ne reflètent pas tous les dons des entreprises. En s’appuyant sur les enquêtes d’ADMICAL et de Recherches et Solidarités, la Cour affirme en effet que le non recours au dispositif fiscal est important.

Par ailleurs, le succès du dispositif du mécénat doit être précisé en fonction de la la taille des entreprises. Les grandes entreprises sont en effet celles qui y ont principalement recours. Leur catégorie représente de façon constante entre 57 et 61 % des dépenses fiscales. En 2016, ce sont ainsi 24 entreprises seulement qui concentrent à elles seules 44% de la dépense.

A l’autre bout du spectre, les petites et moyennes entreprises sont confrontées au plafond de 0,5% du chiffre d’affaire. Le rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat affirme que seules les entreprises dont le chiffre d’affaire est inférieur à 2 millions d’euros sont véritablement contraintes par ce seuil. La somme de 5 000 euros ne leur permet en effet pas de mettre en place une stratégie de mécénat qui ait un impact. La Cour souligne cependant les efforts déployés certaines collectivités pour créer des véhicules juridiques territoriaux. Ces derniers permettent aux petites entreprises de mutualiser leurs efforts.

Les stratégies complexes des entreprises mécènes

En 15 ans les entreprises mécènes se sont appropriées le dispositif du mécénat. Elles développent des stratégies pour en tirer des avantages, voire pour en garder toute la maîtrise. Le rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat explore ces stratégies. Cette démarche lui permet de toucher les limites du dispositif en termes de financement de l’intérêt général.

La création de véhicules juridiques dédiés

Selon la Cour des Comptes, les entreprises mécènes ont longtemps privilégié le financement direct. Elle estime cependant que les organismes intermédiaires, fondations et fonds de dotation, prennent dorénavant une place grandissante. Le rapport de la Cour des Comptes affirme ainsi que 24% des entreprises mécènes ont créé un véhicule juridique dédié. Cette stratégie leur permet d’une part de garder le contrôle complet sur l’argent qu’elles consacrent au mécénat. D’autre part, le droit pour les fondations d’entreprises de porter le nom de la société qui les a créé leur offre un potentiel important de rayonnement en terme d’image. Or cette notion d’image est très complexe à mesurer comme contrepartie.

Les frontières du mécénat avec la RSE et la communication

La Cour des Comptes constate que le mécénat fait désormais partie intégrante des stratégies des grandes entreprises. Le mécénat n’est plus le domaine réservé du chef d’entreprise philanthrope. Il n’est plus même l’apanage des services de communication. Il relève, dans les grands groupes, soit de la RSE soit de « l’engagement ». Cette « hybridation »  pousse la Cour à questionner la souplesse du dispositif fiscal, tant il y a confusion pour elle entre financement de l’intérêt général par le mécénat, et intérêts de l’entreprise dans son usage. Le rapport prend pour exemple de cette hybridation, les choix de communication des entreprises mécènes, qui tendent à confondre mécénat et parrainage.

Les politiques publiques au cœur du rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat

La préoccupation première de la Cour vis-à-vis du mécénat est l’augmentation de la dépense fiscale. Le rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat se livre donc à l’analyse de plusieurs scenarios. Il joue avec le levier du taux d’une part, avec la modulation du plafond d’autre part. La Cour envisage ainsi à la fois la hausse du plafond pour les TPE et PME, et la limitation du montant maximal de don, par exemple. Puis, des critiques sur les manquements aux missions de contrôle de l’État et de l’étude des scenarios d’évolution de la mesure, elle tire des recommandations.

La manque de contrôle de la part de l’État sur le mécénat

L’incitation fiscale au mécénat est une dépense de guichet. L’État ne saurait donc l’anticiper avec une parfaite exactitude. Néanmoins, pour la Cour des Comptes, la démarche prospective qui incombe aux services fiscaux est très insuffisante. De plus, au long de son enquête, la Cour a obtenu plus d’information d’ADMICAL qu’auprès des services de l’État. Un comble dont la Cour des Comptes s’indigne. Elle dénonce donc clairement le manquement de l’État à sa mission de contrôle de la dépense fiscale. La Cour explique cette défaillance par la dilution des responsabilités entre ministères, et le manque de coordination interministérielle d’une part. Elle questionne aussi d’autre part la disparité des moyens préfectoraux dans les départements. De ces constats sévères, le rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat tire des recommandations de politiques publiques.

Les recommandations de la Cour des Comptes pour le mécénat

Le rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat adresse sa première recommandation à la Direction de la Jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Il suggère ainsi de rendre obligatoire la déclaration annuelle du montant des dons reçus, l’identité des entreprises donatrices et la forme du mécénat intervenu. Le rapport fait donc reposer cette obligation sur les organismes sans but lucratif ayant émis un reçu fiscal.

La Cour des Comptes recommande, dès la prochaine loi de finances, de reprendre le processus d’évaluation de la dépense fiscale en faveur du mécénat des entreprises. Elle pousse aussi pour que les contrôles fiscaux des grandes entreprises incluent les réductions d’impôt en faveur du mécénat.

Le rapport de la Cour des Comptes propose ensuite à la Direction de la Législation Fiscale de préciser les règles relatives au mécénat de compétence. Il demande aussi l’élaboration d’une base juridique claire pour encadrer les contreparties.

Les auteurs demandent en outre aux Services du Premier ministre la désignation d’une administration « chef de file ». Cette dernière serait chargée de suivre et d’animer au plan interministériel la politique de soutien public au mécénat des entreprises. Ils suggèrent de lui confier aussi l’élaboration d’une annexe au projet de loi de finances annuel pour rendre compte au Parlement.

La Cour recommande enfin à la Direction des Libertés Publiques et des Affaires Juridiques du Ministère de l’intérieur d’encadrer les modalités de création, de fonctionnement et de contrôle des fondations abritées.

Les suites du rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat

Les recommandations du rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat ont été partiellement entendues. Les lois de finance 2019 et 2020 comportent chacune des dispositions sur le mécénat d’entreprise. La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République instaure elle aussi des obligations déclaratives et une plus grande traçabilité

Le mécénat permet aux entreprises de contribuer à l’intérêt général tout en bénéficiant d’avantages fiscaux et de contreparties. Pour les sociétés qui veulent démontrer leurs valeurs et engager leurs collaborateurs, le mécénat présente de nombreux avantages. Ce guide s’adresse aux entreprises qui souhaitent se lancer dans le mécénat de manière stratégique, ou améliorer plus encore leur impact social.

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