Le guide du mécénat d'entreprise
Pourquoi et comment se lancer dans le mécénat d'entreprise en France ?
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Le mécénat permet aux entreprises de contribuer à des causes d’intérêt général tout en bénéficiant d’avantages fiscaux et de contreparties. Il fait l’objet en France d’incitations fiscales particulièrement généreuses. Pour les entreprises qui construisent des stratégies globales, vis-à-vis de leurs collaborateurs, de leurs partenaires et de leurs clients, le mécénat d’entreprise présente de nombreux avantages. Il contribue en outre à l’exercice de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Ce guide s’adresse aux dirigeants de sociétés qui souhaitent se lancer dans le mécénat ou professionnaliser leur démarche.
Sommaire du guide du mécénat d’entreprise :
Introduction : le mécénat d’entreprise en France
I/ Découvrir le potentiel du mécénat pour les entreprises
A/ Mesurer la générosité du régime fiscal français du mécénat d’entreprise
B/ Comprendre la diversité des modes d’action de l’entreprise mécène
II/ Construire et conduire la stratégie de mécénat de l’entreprise
A/ Concevoir et piloter le mécénat de son entreprise pour en maximiser l’impact
B/ Optimiser les contreparties du mécénat pour l’entreprise sans tomber dans le sponsoring
III/ Intégrer le mécénat dans la stratégie globale de l’entreprise
A/ Inclure (ou pas) le mécénat dans la politique de responsabilité sociétal de l’entreprise
B/ Choisir le véhicule philanthropique approprié à sa politique de mécénat d’entreprise
Le mécénat d’entreprise consiste pour une société à apporter un soutien financier, matériel ou humain à une cause d’intérêt général. En d’autres termes, l’entreprise donne à un organisme d’intérêt général éligible au mécénat de l’argent, des biens ou du temps de travail de ses collaborateurs. En retour, l’Etat accorde une réduction d’impôt sur les sociétés et autorise certaines contreparties, au titre de l’article 238 bis du Code général des impôts. Cette conception du mécénat d’entreprise est le produit d’une histoire récente. Depuis 20 ans, le mécénat connait en France une croissance forte.
Un dispositif récent en France
Dans la logique historique du Code civil, l’entreprise n’a d’autre objet que le profit. Les dons des entreprises ne peuvent donc pas être des actes relevant de la gestion normale d’une société. La loi du 14 août 1954 est la première brèche dans ce principe, elle instaure une incitation fiscale, limitée à la déduction du bénéfice imposable, des entreprises à donner aux œuvres charitables et philanthropiques. Il faut ensuite attendre 1987 et la loi sur le développement du mécénat pour voir l’incitation fiscale et le champ des organismes bénéficiaires être étendus. Pour autant, en comparaison avec les autres pays occidentaux, le dispositif français reste alors peu incitatif. C’est la loi 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite « loi Aillagon », qui instaure la définition contemporaine du mécénat d’entreprise en France.
Quinze ans après la promulgation de la loi Aillagon, le mécénat d’entreprise a fait l’objet d’un rapport de la Cour des comptes, intitulé Le soutien public au mécénat d’entreprises – Un dispositif à mieux encadrer. Dans les semaines qui suivent la publication de ce rapport critique, le gouvernement prend des dispositions. Les lois de finances 2019 et 2020 mettent en œuvre une partie des recommandations de la Cour. Le dispositif n’en reste pas moins aujourd’hui très incitatif, et plébiscité par des entreprises de plus en plus nombreuses.
Une croissance forte du mécénat d'entreprise
Le baromètre 2022 du mécénat d’entreprise en France repose sur les chiffres consolidés du fisc en 2020. Ce baromètre est publié tout les deux ans depuis 2010 par Admical. Admical est une association reconnue d’utilité publique créée en 1979, c’est un des acteurs de référence du mécénat d’entreprise en France.
Entre 2010 et 2020, le montant des dons déclarés auprès du fisc a été multiplié par 2,3. Il atteint un total de 2,3 milliards d’euros en 2020. Dans le même intervalle le nombre d’entreprise mécènes a été multiplié par 3,8. Il s’élève à 105 000 entreprises. En intégrant les entreprises qui n’ont pas recours à la déduction d’impôt sur les société, Admical estime que 9% des sociétés en France sont des entreprises mécènes et qu’elles mobilisent environ 3,6 milliards d’euros de dons.
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Comme la France ne s’est pas dotée d’une définition du concept d’intérêt général, c’est par un raisonnement fiscal (et complexe) qu’elle qualifie d’intérêt général certains organismes. Par conséquent, d’une manière similaire aux incitations des particuliers à donner, le mécénat d’entreprise procède d’une logique liée au fisc. Le raisonnement basé sur l’abattement fiscal offert en contrepartie du don permet à l’entreprise de valoriser toute charge qu’elle affecterait au mécénat. Les entreprises peuvent donc contribuer à l’intérêt général à la fois en numéraire et en nature.
Le régime fiscal du mécénat d’entreprises en France est le plus généreux d’Europe, voire du monde. Et c’est la Cour des comptes qui le dit…
La règle de base : 60% du montant du don exonéré de l'IS, dans la limite de 0,5% du CA HT
L’article 238 Bis du code général des impôts détermine que les dons des entreprises ouvrent droit à une réduction d’impôt de 60% de leur montant. La réduction d’impôt s’applique à des dons dont le total ne peut excéder 0,5% du chiffre d’affaire de l’entreprise. Ainsi, par exemple, une entreprise qui réalise un chiffre d’affaire de 10 millions d’euros peut consacrer 50 000 euros au mécénat. Elle bénéficie alors d’une réduction d’impôt sur les sociétés de 30 000 euros.
Une franchise de 20 000 euros pour les PME
La règle d’un montant maximal de don limite le « manque à gagner » pour l’Etat. Mais elle ne permettait pas aux petites et moyennes entreprises de contribuer significativement à l’intérêt général. Suivant une recommandation de la Cour des comptes, la loi de finances 2019 a contribué à rendre le mécénat d’entreprise plus accessible en instaurant une franchise de 10 000 euros. En 2020, cette mesure visant à démocratiser et populariser le financement de l’intérêt général par les entreprises est réhaussée. Dorénavant, quelque soit son chiffre d’affaire une entreprise peut donner 20 000 euros au titre du mécénat d’entreprise, et voir son impôt sur les société faire l’objet d’un abattement de 60% de ce montant.
Un palier à 2 millions d'euros de dons
Depuis 2020, au delà de 2 millions d’euros de dons au titre du mécénat d’entreprise, deux taux de réduction d’impôt coexistent. La règle générale est que le taux de réduction d’impôt sur les sociétés est de 40% du montant du don, pour la part qui excède le pallier de 2 millions. C’est une réduction importante par rapport à la règle des 60% qui prévalait jusqu’alors. Mais elle ne cible que les entreprises qui font un chiffre d’affaire supérieur à 400 millions par an… Une exception subsiste néanmoins pour les dons aux organismes d’aide aux personnes en difficulté ciblés par la loi Coluche. Dans ce cas, le taux de 60% est maintenu.
Un étalement sur 5 ans de l'abattement
Le législateur a prévu une dernière mesure incitative dans le régime fiscal du mécénat d’entreprises. La loi autorise le report de la réduction d’impôt sur cinq exercices comptables. Si d’aventure l’entreprise ne réalisait pas un bénéfice lui permettant d’exploiter pleinement la réduction d’impôt, elle peut en bénéficier sur les exercices suivants. Cette mesure vise aussi à encourager les dons importants. Une entreprise peut en effet, faire un don très significatif en une fois et profiter de l’abattement d’impôt sur les société au cours des cinq années suivantes.
En France, le mécénat d’entreprise s’applique à la fois aux dons en numéraire et en nature. La notion de dons en nature recouvre les biens mobiliers et immobiliers, et les prestations de services. Le mécénat de compétences relève juridiquement de la prestation de service mais constitue une modalité d’intervention bien particulière. Les entreprises ont donc un large panel de modes de contribution à l’intérêt général. La sous-section 2 de la notice BOI-BIC-RICI-20-30-10-20 du BOFIP pose la doctrine relative aux versements des entreprises au titre du mécénat.
Les dons en numéraire
Le mécénat d’une entreprise en numéraire se caractérise par le versement ponctuel ou répété de sommes d’argent, à un ou plusieurs organismes bénéficiaires (associations, fondations, établissements publics éligibles). Dans le principe, et dans l’immense majorité des cas, les dons sont versés directement par l’entreprise donatrice à l’organisme.
En principe, les dons en numéraire sont effectués directement par le donateur. La doctrine fiscale admet néanmoins que le don de l’entreprise puisse être versé par un de ses clients, dans le cadre d’un abandon de revenus ou de produits. Dans une telle situation, c’est l’entreprise mécène qui désigne le bénéficiaire du don qu’elle consent au titre de son abandon de recette. L’organisme bénéficiaire établit un reçu fiscal à son nom. En termes de fiscalité, la situation est la même que si l’entreprise donatrice avait effectuée elle-même le versement.
Le mécénat en nature
Le mécénat d’entreprise en nature prend toutes sortes de formes. Il peut ainsi s’agir de dons de biens, immobiliers et mobiliers, de services ou prestations. Devant cette diversité de moyens d’action, la valorisation des dons en nature est un enjeu majeur. Cette valorisation est en effet nécessaire à la réintégration extracomptable dans les comptes de l’entreprise et au calcul de la réduction d’impôt. La responsabilité d’établir la valorisation du don incombe à l’entreprise donatrice et non à l’organisme bénéficiaire qui établit le reçu fiscal.
Les biens immobilisés
Pour valoriser le don d’un bien immobilisé, c’est sa valeur de cession qui doit être retenue, c’est-à-dire le montant que l’entreprise aurait perçu si elle l’avait vendu. En cas de contrôle, l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, se réserve le droit de rectifier ce montant.
Les biens mobiliers, les prestations et services
Les biens et prestations de service donnés sont valorisés à leur coût de revient. Le coût de revient d’un bien ou d’une prestation comprend les coûts supportés par l’entreprise pour acquérir ou produire le bien ou la prestation donné(e). Pour les biens donnés, y compris les denrées alimentaires, la valeur retenue pour le calcul de la réduction d’impôt est égale au coût de revient.
Lorsqu’une entreprise donne ses invendus à une association, elle valorise ce stock en mécénat (60% de la valeur du stock à son coût de revient). En même temps, elle conduit une politique de gestion des déchets responsables. Certaines dispositions de cet ordre sont même devenues obligatoires (loi Garot, loi AGEC).
Le mécénat de compétences
Le mécénat de compétences consiste en un don sous forme de temps de travail. Pour en relever, la mise à disposition de salariés par une entreprise doit se faire sur leur temps de travail rémunéré et à titre gratuit.
Une appellation contre-intuitive
Le mécénat de compétences consiste en un don sous forme de temps de travail. Pour en relever, la mise à disposition de salariés par une entreprise doit se faire sur leur temps de travail rémunéré et à titre gratuit. Contrairement à ce que laisse envisager l’appellation, l’activité du salarié au sein de l’organisme bénéficiaire n’a pas à être liée à sa compétence dans l’entreprise. Le comptable d’une PME peut ainsi être mis à disposition d’une association et y être éducateur sportif. Notons le cas particulier des sapeurs-pompiers volontaires ou des réservistes. Leur mise à disposition des Services départementaux d’incendie et de secours, de la réserve opérationnelle des forces armées ou de la gendarmerie nationale tombent sous le régime du mécénat d’entreprise. Ils sont en effet considérés comme des organismes d’intérêt général au titre de l’article 238 bis du CGI.
Un succès raisonnablement encadré
Jusqu’à l’adoption de la loi de finances 2020, la valorisation du mécénat de compétences n’était pas encadrée. La défiscalisation des salaires des salariés au titre du mécénat de compétences ne connaissait pas de plafond. Dorénavant la valorisation de la mise à disposition de salariés d’une entreprise à un organisme éligible au mécénat d’entreprise est limitée à trois plafonds de l’indice que retient la Sécurité sociale, c’est-à-dire à 10 284 euros par mois, par salarié.
Selon le baromètre 2022 d’Admical, « Le mécénat de compétences se confirme comme un levier prioritaire dans la stratégie de mécénat pour 25% des entreprises mécènes. 42% des entreprises pratiquant le mécénat de compétences y voit un moyen de fédérer les salariés et d’attirer les talents pour 25% ».
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Le mécénat d’entreprise est donc en France un régime fiscal généreux, qui offre à l’entreprise une multitude de moyens d’actions. Pour autant, la part du don qui ne fait pas l’objet de déduction fiscale reste une charge pour l’entreprise. Dès lors, il y a tout lieu pour l’entreprise mécène d’aborder ses dépenses de mécénat comme un investissement. Il s’agit d’une part de maximiser l’impact du mécénat pour ses bénéficiaires, et d’autre part d’optimiser les contreparties pour l’entreprise mécène.
Dans le langage de l’économie sociale et solidaire, on ne parle pas de retour sur investissement (return on investment – ROI), mais d’impact social (social return on investment – SROI chez les anglo-saxons). Dès lors, pour une entreprise qui souhaite se lancer dans le mécénat, ou pour une entreprise déjà mécène qui interroge ses pratiques, la notion d’impact est clé.
Comment se positionner en tant qu'entreprise mécène ?
Elaborer une stratégie de mécénat commence par le développement d’une compréhension approfondie de l’identité même de l’entreprise, et de l’environnement dans lequel elle souhaite opérer comme mécène. Ces éléments doivent évidemment être mis en regard des budgets que l’entreprise envisage de consacrer au mécénat.
L'identité de l'entreprise
La première étape de construction d’une stratégie de mécénat pour l’entreprise consiste à s’interroger sur son identité. Son investissement dans le mécénat est-il directement lié à son activité principale, ou reflète-t-il les causes qui sont chères à ses fondateurs, actionnaires, ou collaborateurs ? L’objectif doit être de construire une histoire d’engagement sincère, enracinée dans la réalité de l’entreprise. La stratégie de mécénat d’une entreprise est le reflet de ses valeurs et de son engagement envers la société. La réalité de cet engagement est crucial pour la perception qu’en auront les clients, la presse et les collaborateurs ou futurs collaborateurs de l’entreprise. Le green ou social washing est en la matière tout à fait contre productif…
Le contexte et les acteurs
Comme pour une entreprise qui positionne ses produits ou services sur un marché, une analyse approfondie du contexte et des acteurs s’impose. Il est ainsi tout aussi légitime de soutenir via le mécénat des organisations locales qu’internationales, de la même manière qu’une PME occupe une niche ou travaille au local, ou qu’un grand groupe à une approche globale. L’identité que l’entreprise souhaite affirmer via le mécénat, et les moyens qu’elle y consacre, sont déterminants. En revanche, contrairement à la raison d’être première de l’entreprise, la logique concurrentielle n’est pas le moteur principal de la stratégie de mécénat. En matière d’intérêt général, c’est la coopération qui produit les meilleurs résultats. Il est ainsi tout à fait vertueux de financer une grande ONG internationale, professionnelle est efficace, ou de constituer un consortium d’entreprises donatrices pour financer une association locale.
La spécialisation du mécénat
Les causes à soutenir sont nombreuses, quel que soit le système de valeurs d’une entreprise. Devant une telle diversité, on recommande d’adopter une certaine forme de spécialisation du mécénat. Cette spécialisation permet de développer une expertise autour de la cause soutenue, et donc de maximiser l’impact du mécénat de l’entreprise. A moins que cette stratégie ne soit délibérée, pour satisfaire toutes les opinions des collaborateurs par exemple, s’engager dans une forme de spécialisation permet d’éviter le « sopoudrage ». La dispersion excessive des ressources, en effet, ne produit pas d’effets de levier de nature à maximiser l’impact.
Comment identifier les bénéficiaires du mécénat d'entreprise ?
Une fois réalisé ce premier tour d’horizon, l’entreprise mécène stratège doit identifier les partenaires avec lesquels elle souhaite collaborer, c’est-à-dire les bénéficiaires de ses dons.
Qui sont les organismes éligibles au mécénat d'entreprise ?
L’article 238 Bis du code général des impôts dresse la longue liste des organismes éligibles au mécénat d’entreprise. En synthèse, ces organismes doivent être d’intérêt général et de nature philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, ou culturel. La liste comprend aussi les organismes d’intérêt général concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises. Le baromètre 2022 d’Admical nous apprend que 69% du budget de mécénat global vont à des associations ou fondations, et 31% à des structures publiques. Il n’est pas inutile à ce stade du raisonnement de rappeler la place qu’occupe le secteur public dans certains secteurs, ni qu’il est éligible au mécénat d’entreprise.
Quel processus de sélection mettre en place ?
Si un seul acteur répond aux valeurs de l’entreprise et intervient sur la cause retenue pour engager le mécénat, il semble alors logique de se tourner vers lui. En revanche, si de nombreux acteurs sont pertinents, la mise en place d’un processus d’identification, voire de sélection, va de soi. Deux éléments peuvent guider la réflexion de l’entreprise dans l’élaboration du processus de sélection de l’organisme bénéficiaire de son mécénat. D’une part, la « gouvernance » : qui participe à la décision au sein de l’entreprise ? Les actionnaires, les collaborateurs, voire les clients ou fournisseurs ? D’autre part, le montant des ressources engagées au titre du mécénat d’entreprise. Le caractère sélectif du processus d’attribution doit être proportionnel au montant en jeu. Plus il y a d’argent sur la table, plus le process peut être exigent (appels à projets, à manifestation d’intérêt, négociations exclusives, etc.).
Quelle politique de mécénat mettre en œuvre ?
Une fois la cause à soutenir par le mécénat identifiée à l’aune du système de valeur, et le ou les partenaires retenus au regard du budget en particulier, comment agir concrètement ? On l’a vu plus haut, en France l’incitation fiscale permet plusieurs modes d’interventions : dons en numéraire, en nature, en mécénat de compétence. La stratégie de mécénat d’entreprise peut donc reposer sur un « mix » de ces modalités. Mais d’autres considérations méritent une réflexion pour maximiser l’impact du mécénat de l’entreprise, et notamment la projection dans le temps, plus ou moins long.
La nature des dépenses
Si le « mode projet » a longtemps été l’alpha et l’oméga des bailleurs de fonds, le champ de la réflexion sur l’impact du mécénat est plus ouvert désormais. Les organismes d’intérêt général ont des contraintes similaires à celles des entreprises : stratégie d’investissements versus frais de fonctionnement, pondération des charges opérationnelles par rapport aux frais structurels, gestion de la croissance etc. L’entreprise mécène est libre, dans le dialogue avec le bénéficiaire, d’orienter ses dons vers telle ou telle nature de dépense.
Prenons deux exemples pour illustrer notre propos :
- une PME a des liens avec un pays en voie de développement et souhaite contribuer à l’éducation dans ce pays à hauteur de 20 000 euros par an. Elle peut financer une ONG qui mène un programme de construction d’école et emploie des instituteurs. L’entreprise mécène peut choisir d’investir 100 000 euros dans la construction d’une école, amortis sur 5 ans, ou de financer le salaire d’un instituteur à raison de 20 000 euros par an.
- une société de marketing digital fait le choix de financier une association de défense de l’environnement. Elle peut évidement choisir de soutenir un projet de plantation d’arbre, mais elle peut aussi apporter son expertise à la collecte de fonds en ligne de l’association. L’effet de sa contribution peut ainsi être démultiplié. C’est une manière d’accroitre son impact social.
La relation partenariale
La relation partenariale entre l’entreprise mécène et le bénéficiaire de ses dons est également un élément essentiel à considérer. Le reçu fiscal n’apporte guère d’information à l’entreprise, puisqu’elle connait, voire détermine, son montant. La question qui se pose est celle du partage de décision et de la transparence dans l’utilisation des fonds. Le niveau d’exigence est bien évidemment proportionnel aux montants attribués. Il s’étend donc de la simple consultation des rapports annuels à la mise en place de procédures de suivi plus rigoureuses.
Par ailleurs, la réflexion sur la nature du partenariat entre l’entreprise et le bénéficiaire ouvre des sujets tels que la formalisation des accords, la participation à la gouvernance de l’organisation soutenue ou encore les contreparties éventuelles. Dans l’hypothèse d’un soutien dans le temps long, d’autant plus s’il est significatif, le partenariat se forge chemin faisant.
Le mécénat d’entreprise doit financer des activités d’intérêt général, et non servir les intérêts de l’entreprise. C’est tout l’intérêt du dispositif du point de vue de l’Etat. Mais en matière de mécénat comme en anthropologie, le don entraine une forme de contre don. L’entreprise mécène bénéficie d’un abattement sur l’impôt sur les sociétés, mais potentiellement aussi de contreparties de la part du bénéficiaire. Et tant qu’elle reste dans le cadre prévu par la loi, et la jurisprudence, rien ne lui interdit de les optimiser.
Mécénat et sponsoring ont des objectifs distincts, mais la notion de contreparties brouille les lignes
Un don au titre du mécénat poursuit l’intérêt général. Le sponsoring (ou parrainage) consiste en revanche à rémunérer une personne ou une organisation en échange de services. Son objectif est publicitaire. La distinction entre le mécénat d’entreprise et le sponsoring repose sur la différence d’objectifs poursuivis. Dans la pratique, dès lors qu’on regarde les contreparties, la nuance entre mécénat et sponsoring est plus complexe à établir. Le mécénat d’entreprise les autorise en effet. L’article 238 bis du Code général des impôts précise ainsi que la réduction d’impôt s’applique « même si le nom de l’entreprise versante est associé aux opérations réalisées par ces organismes ». De même, il est admis que l’entreprise mécène puisse bénéficier de remise de biens et de prestations de services de la part du bénéficiaire du don.
L'exemple de la PME et du club de foot
Une PME soutient le club de foot local avec un chèque annuel. Son logo est affiché dans un coin du stade. La même PME soutient l’équipe A du même club, qui progresse en coupe de France. Elle lui offre de l’équipement floqué de son logo. Pour le chef d’entreprise qui apporte sa contribution au club local, la motivation est peut-être identique pour ces deux opérations. Cependant, l’une d’entre elles relève du mécénat d’entreprise, l’autre du sponsoring. L’expert comptable et le fisc vont ainsi réserver un traitement différent aux deux opérations. La différence entre sponsoring et mécénat d’entreprise repose sur les objectifs. Mais dans le doute, c’est la valeur des contreparties qui fera foi.
Valoriser les contreparties du mécénat d’entreprise, avec prudence
Distinguons les contreparties symboliques d’une part, des contreparties sous forme de biens ou de prestations de services d’autre part.
Les contreparties symboliques
La reconnaissance symbolique du donateur touche aux enjeux réputationnels de l’entreprise ou de ses dirigeants. Or la doctrine fiscale est constante dans son analyse. Elle ne prend pas en compte les contreparties symboliques, faute de pouvoir les mesurer, et parce que l’administration elle-même y a recours. Les contreparties symboliques peuvent consister à donner un titre honorifique (membre bienfaiteur, président d’honneur) ou à mettre en avant l’entreprise donatrice (sur un site internet, une plaque ou une plaquette de présentation). La limite repose dans l’interprétation du terme symbolique. S’il s’agit de publicité déguisée, alors on sort du cadre du mécénat d’entreprise pour entrer dans celui du sponsoring.
Il est communément admis que les contreparties au mécénat d’entreprise ne doivent pas excéder 25% du montant du don. Mais mesurer la valeur des contreparties n’est pas toujours aisé. L’affichage d’un logo dans telle ou telle circonstance, sa taille, son exposition peuvent faire basculer la logique de reconnaissance du mécène à la publicité pour l’entreprise. Les entreprises mécènes et les organismes qui leur accordent des contreparties doivent donc être particulièrement prudents car le Conseil d’Etat n’hésite pas à requalifier une opération de mécénat en sponsoring.
Les contreparties sous forme de biens et de services
Les contreparties au mécénat d’entreprise sous forme de biens et de services sont caractérisées par leur valeur vénale. En d’autres termes, l’organisme bénéficiaire des dons peut délivrer une « prestation » à l’entreprise donatrice. Il s’agit bien là d’un contre don. La Cour des Comptes énumère le champ des possibles : « la remise de divers objets matériels, l’octroi d’avantages financiers ou commerciaux, le service d’une revue, la mise à disposition d’équipements ou installations de manière exclusive ou préférentielle, l’accès privilégié à des conseils, fichiers ou informations de toute nature ».
Pour les entreprises les ordres de grandeur des contreparties autorisées au mécénat sont importants à prendre à compte. En effet, pour un don de 10 000 euros, la déduction d’impôt sur les société est de 6 000 euros. En imaginant avec le bénéficiaire du don une contrepartie sous forme de biens ou de prestations de service, valorisée à 25% du don au maximum (soit 2 500 euros pour un don de 10 000 euros), le coût de l’opération pour l’entreprise mécène est au final de 1 500 euros seulement.
La valorisation des contreparties par le bénéficiaire du mécénat d'entreprise
Pour les bénéficiaires des dons, la valorisation des contreparties offertes aux entreprises mécènes est un enjeu. Lorsqu’ils proposent ces prestations ou ces biens à entreprises ou des particuliers à titre onéreux, en dehors de la notion de contrepartie, alors la valorisation est relativement simple. Il leur suffit en effet d’aligner la valorisation sur les prix qu’ils pratiquent. Quand ce n’est pas le cas ou qu’ils bénéficient de subventions par ailleurs, en revanche, un peu de complexité doit être prise en compte :
- d’une part, lorsque le bénéficiaire offre des contreparties qui n’ont pas de valeur onéreuse par ailleurs. Le bénéficiaire du don de l’entreprise doit alors conduire une véritable réflexion, et documenter tant que faire ce peut la valorisation qu’il attribue au bien ou à la prestation qu’il délivre. L’enjeu est de pouvoir démontrer que la contrepartie n’excède pas 25% de la valeur du don de l’entreprise.
- d’autre part, quand le bénéficiaire reçoit par ailleurs des subventions publiques. Si le choix de la méthode de valorisation lui revient in fine, il est cependant une bonne pratique que de valoriser la contrepartie offerte aux coûts réels, hors subvention. En prenant l’exemple d’une institution culturelle, le tarif des billets offerts en contrepartie à l’entreprise mécène peut ainsi être valorisé non pas à son prix facial, mais au coût réel hors subventions.
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La troisième partie de ce guide traite de la place du mécénat dans la stratégie globale de l’entreprise. Elle s’adresse plutôt aux grandes entreprises qu’aux PME. On y questionne d’une part la place du mécénat dans la politique de responsabilité sociétale de l’entreprise. Subordonner le mécénat d’entreprise à la RSE est un choix, qui ne s’impose pas comme une évidence. On y ouvre d’autre part une réflexion sur la logique de groupe que permet le mécénat. La loi permet en effet aux entreprises de créer des fondations, selon diverses modalités, et d’y orienter leur mécénat.
En France, la responsabilité sociétale des entreprise a un caractère obligatoire. L’article 1833 du Code Civil affirme que « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Les grandes entreprises sont même tenues de publier chaque année avec leurs comptes une déclaration de performe extra-financière. Le mécénat d’entreprise en revanche est facultatif, quand bien même le régime fiscal est très incitatif. Les notions sont bien distinctes mais néanmoins imbriquées.
Le mécénat est toujours vecteur de responsabilité sociétale pour l'entreprise...
Une politique de mécénat ne saurait faire office de RSE, disons-le clairement. Les entreprises qui donnent à un organisme de défense de l’environnement tout en continuant à polluer font du « green washing ». De même une entreprise qui contribue à un organisme d’insertion par le travail tout en ayant des pratiques discriminatoires en interne fait du « social washing ». Contribuer par des dons à des organismes d’intérêt général n’exonère pas l’entreprise de ses responsabilités.
En revanche, le mécénat est toujours vecteur de responsabilité sociétale pour l’entreprise :
- Avec le mécénat de compétences une entreprise met à disposition d’un organisme d’intérêt général du temps de travail de son personnel salarié. Cette pratique permet aux collaborateurs de l’entreprise de s’engager pour des causes qui leur tiennent à cœur. L’entreprise contribue alors à l’intérêt général d’une part, et elle met en œuvre une politique de ressources humaines originale d’autre part.
- Le don en nature est aussi éligible au mécénat d’entreprise. Lorsqu’une entreprise donne ses invendus à une association, elle valorise ce stock en mécénat (60% de la valeur du stock à son coût de revient). Et en même temps, elle conduit une politique de gestion des déchets responsables.
Inclure la politique de mécénat dans la RSE : un choix stratégique
L’articulation entre le mécénat et la responsabilité sociétale de l’entreprise fait l’objet d’une publication. L’entreprise engagée : nouvelles frontières de la RSE et du mécénat (juin 2018) est une étude réalisée par l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France, en collaboration avec Admical et le Comité 21. L’argument qui y est développé consiste à affirmer que le mécénat et la RSE ont pour point de convergence de l’intérêt général, et qu’il y a tout donc lieu de les articuler.
Dans son baromètre 2022 du mécénat d’entreprise, Admical « observe dans les pratiques une recherche de mise en cohérence avec l’activité de l’entreprise (pour 21% des entreprises mécènes) et sa stratégie de RSE (pour 29% des entreprises mécènes) ».
Les entreprises n’ont pas besoin de se doter d’un véhicule juridique pour devenir mécène. Néanmoins, selon leur stratégie globale, un tel outil peut s’avérer pertinent. Toujours selon le baromètre d’Admical, 37% des entreprises mécènes orientent leur mécénat exclusivement via une structure dédiée, et 19% à la fois via un véhicule dédié et en direct.
Parmi les quatre statuts de fondation que des sociétés commerciales peuvent fonder en droit, comment choisir ? Le budget est à prendre en considération, d’abord. La philosophie du projet, c’est-à-dire le contrôle qu’exerce l’entreprise sur la fondation, ensuite. Et enfin, les enjeux de sécurité et de flexibilité inhérents aux différents statuts.
La fondation reconnue d'utilité publique
Créer une fondation reconnue d’utilité publique exige de mobiliser un million et demi d’euros sur dix ans. Pour une société exploitant le mécanisme du mécénat d’entreprise au maximum, cela implique de consacrer 150 000 euros par an au projet de fondation, et de réaliser une chiffre d’affaire minimum de 30 millions chaque année.
Par ailleurs, la fondation reconnue d’utilité publique a trois limites opérationnelles. D’abord la dotation n’est pas consomptible. Ensuite, les fondateurs sont minoritaires dans la gouvernance dans la fondation. Enfin, le processus de création d’une fondation reconnue d’utilité publique est long : c’est un décret du Conseil d’Etat, rendu après avis du ministre de l’intérieur, qui lui donne la personnalité morale.
Le statut de fondation reconnue d’utilité publique ne se prête donc qu’à des projets d’ampleur, de long terme, et fort dissociés de l’entreprise. Sa force réside en revanche dans la crédibilité dont elle jouit auprès du grand public, et dans sa capacité à lever d’autres fonds que ceux de l’entreprise.
La fondation d'entreprise
Pour créer une fondation d’entreprise il est nécessaire de mobiliser au minimum 150 000 euros sur 5 ans, soit 30 000 euros par an. Une entreprise qui consacrerait l’entièreté de son enveloppe mécénat à la dotation devrait donc réaliser un chiffre d’affaire annuel de 6 millions d’euros. Néanmoins, la fondation d’entreprise permet de mobiliser les dons d’autres sociétés. En revanche, elle est dans l’impossibilité d’autres ressources que celles provenant du mécénat d’entreprises. Son statut ne permet pas de lever des fonds publics ou auprès de particuliers.
La fondation d’entreprise doit prévoir dans ses statuts une durée de vie limitée. La dotation est nécessairement consomptible, c’est-à-dire que l’argent doit être dépensé et non capitalisé. Et la fondation d’entreprise doit associer les salariés aux décisions (au moins un représentant dans la gouvernance de la fondation), ce qui en fait un vecteur de cohésion sociale interne à l’entreprise. Les démarches de création sont simples et se déroulent au niveau préfectoral.
Le statut de fondation d’entreprise convient donc bien aux projets de mécénat qui entrent dans une stratégie de groupe : contrôle de la gouvernance, opérationnalité, image d’entreprise responsable, retour sur investissement avec le système de contreparties, association des salariés au projet, etc…
Le fonds de dotation
Les fonds de dotation ont été créés en 2008 par la loi de modernisation de l’économie. Leur statut rencontre le succès certain depuis. 20% des créateurs de fonds de dotation sont des entreprises. Cette appétence s’explique notamment par l’agilité inhérente au statut juridique. D’abord, les démarches de création d’un fonds de dotation relèvent du simple régime de déclaration. Ensuite, les fondateurs ont le choix entre une durée limitée ou non du fonds, entre une dotation intangible ou consomptible, et entre un fonds opérateur ou redistributeur. Enfin, les fondateurs ont la main sur la gouvernance du fonds, la seule exigence est d’avoir au moins trois membres.
En revanche, le statut de fonds de dotation connaît quelques limites. Premièrement, par principe il leur est impossible de recevoir des subventions (l’exception exige un double arrêté ministériel). Deuxièmement pour faire appel à la générosité du grand public, le fonds de dotation doit obtenir l’autorisation préalable du Préfet. Troisièmement, dans l’hypothèse où la dotation est consomptible, l’exonération d’impôt sur les sociétés ne s’applique que partiellement sur les revenus du capital en dotation.
Ces limites au statut de fonds de dotation sont à prendre en considération pour une entreprise porteuse d’un projet de fondation pour mettre en œuvre sa stratégie de mécénat. Si elle cherche à faire de sa dotation un levier pour lever des fonds, il y a quelques barrières à lever. Cependant, la grande liberté dans la rédaction des statuts fait des fonds de dotation un véhicule juridique de choix pour porter le projet de mécénat d’une entreprise.
La fondation abritée (ou sous égide)
La fondation abritée est dépourvue de personnalité morale, elle est crée par un simple contrat avec la fondation abritante. La liberté contractuelle avec la fondation abritante autorise la fondation sous égide à avoir une donation consomptible et un terme fixe ou variable. L’absence de personnalité morale, en revanche, fait qu’il est complexe pour la fondation abritée de mener en direct des opérations, notamment de recruter du personnel. Elle est donc souvent redistributive.
Les fondations abritées bénéficient par capillarité de la capacité juridique de la fondation abritante à recevoir dons et libéralités. La dotation attribuée par l’entreprise au titre du mécénat peut donc générer un effet de levier pour lever des fonds.
La facilité de création, la sous-traitance de l’administratif, les conseils d’experts et l’association de l’entreprise au prestige de la fondation abritante font du statut de fondation abritée une option à étudier pour la société qui souhaite se doter d’un véhicule juridique dédié à son mécénat d’entreprise.
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Le mécénat d’entreprise en France permet aux entreprises de contribuer à l’intérêt général tout en bénéficiant de nombreux avantages. L’incitation fiscale est particulièrement généreuse, avec 60% du montant du don déduit de l’impôt sur les sociétés. De plus les modalités de dons nombreuses, en numéraire, en nature ou en compétences. En s’engageant de manière stratégique dans le mécénat, les entreprises peuvent avoir un véritable impact social. Le mécanisme des contreparties autorisées leur permet en outre de renforcer leur réputation, voire d’amoindrir le coût net du don lui-même. Par ailleurs, si le mécénat d’entreprise saurait faire office de politique de RSE, il y contribue sous doute. Enfin, pour les grandes entreprises, les possibilités offertes par le droit des fondations leur permettent d’envisager la constitution d’un véhicule juridique à même de leur donner toute la maitrise de leurs dépenses de mécénat.
Pour aller plus loin : Notre bibliographie sur le don, le mécénat et la philanthropie.
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