Les premières traces du mécénat apparaissent à l’antiquité. Caius Maecenas est un homme politique romain dont le nom est passé à la postérité pour avoir soutenu des poètes comme Virgile, Properce et Horace. Le soutien des riches nobles aux arts et aux œuvres de charité existe aussi au moyen-âge et à la renaissance, mais il s’agit là d’époques où règne l’absence de distinction entre les revenus personnels et les caisses d’une personne morale, qu’il s’agisse de l’Etat ou d’une entreprise. Nous ne faisons donc démarrer notre histoire du mécénat d’entreprises en France que lorsque cette distinction prend forme, avec le Code civil napoléonien, en 1804.
Or, le mécénat a longtemps butté contre l’idée qu’il était contradictoire avec la nature même des entreprises. Jusqu’à l’introduction récente de la notion de responsabilité sociétale dans l’article 1833, le Code civil considère ainsi que la recherche du profit est l’unique raison d’être des entreprises. Par conséquent, les dons des entreprises ne pouvaient être perçus comme des actes relevant de la gestion normale d’une société commerciale. Si le don des entreprises a toujours été autorisé, bien sûr, il n’y avait néanmoins pas lieu que l’Etat lui accorde une quelconque contrepartie fiscale. L’histoire du mécénat d’entreprises en France a aussi beaucoup à voir avec l’évolution de la notion d’Etat providence, mais c’est un autre sujet.
L'émergence du mécénat d'entreprises en France lors de la seconde moitié du XXième
Contrairement au monde anglo-saxon où elle est ancienne, l’histoire du mécénat d’entreprises en France est récente. En effet, le principe selon lequel les dons ne relèvent pas de la gestion normale d’une entreprises ne fait l’objet d’une première exception qu’au cours de la Seconde guerre mondiale. Le régime de Vichy autorise en effet les versements au profit de certains organismes de caractère philanthropique ou charitable. De fait, tant l’incitation fiscale, restreinte, que les circonstances, exceptionnelles et peu glorieuses, confirment la rigueur de la doctrine fiscale.
La loi du 14 août 1954 : l'apparition d'une incitation fiscale au don
La loi du 14 août 1954 porte diverses dispositions d’ordre fiscal. Elle constitue la première intervention du législateur dans l’encouragement des dons « en faveur des œuvres charitables et philanthropiques », qu’ils émanent d’entreprises ou de particuliers. Cette loi marque durablement le cadre juridique de la philanthropie. Il s’agit en effet d’un texte de nature fiscale et non de portée générale. Depuis lors, c’est cette approche qui caractérise la construction « à la française » de l’incitation au don des particuliers et des entreprises à l’intérêt général.
En effet, ni au cours de la IVème République, ni dans la VIème, la France ne s’est dotée d’une définition constitutionnelle ou législative du concept d’intérêt général. C’est par un raisonnement fiscal relativement complexe qu’elle qualifie « d’intérêt général » certains organismes. Et c’est par extension de cette définition que la loi octroie des compensations fiscales aux particuliers et aux entreprises qui y contribuent.
La loi "Léotard" du 23 juillet 1987 : le mécénat fait loi pour la première fois
L’article 238 bis du Code général des impôts apparait en 1979. Il prévoit alors que les entreprises sont autorisées à déduire du montant de leur bénéfice imposable les versements effectués au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général, de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social ou familial. Cette autorisation est limitée à 1 pour mille du chiffre d’affaire. Le texte connait ensuite quelques modifications mineures, principalement apportées en loi de finances.
Pendant le premier septennat de François Mitterrand, en pleine cohabitation avec Jacques Chirac, premier ministre, le parlement adopte la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat. D’abord, ce texte élargit le champ des bénéficiaires des dons des entreprises à nouveaux organismes sans but lucratif. Ensuite, il simplifie la lecture et donne de la stabilité au dispositif. Enfin, il instaure un mécanisme de report des dépenses de mécénat et relève les limites de déductibilité fiscale.
La loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat a aussi consacré l’existence des fondations. Elle qui en apporte la fameuse définition : « l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif ».
Le mécénat permet aux entreprises de contribuer à l’intérêt général tout en bénéficiant d’avantages fiscaux et de contreparties. Pour les sociétés qui veulent démontrer leurs valeurs et engager leurs collaborateurs, le mécénat présente de nombreux avantages. Ce guide s’adresse aux entreprises qui souhaitent se lancer dans le mécénat de manière stratégique, ou améliorer plus encore leur impact social.
La loi "Lang" du 4 juillet 1990 : la création des fondations d'entreprise
Au cours du second septennat de François Mitterrand, le gouvernement de Michel Rocard fait adopter la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990. Celle-ci créer les fondations d’entreprise et modifie les dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat relatives aux fondations. La capacité des sociétés à créer une fondation qui porte leur nom est une étape marquante de l’histoire du mécénat d’entreprise en France. En revanche, le mécanisme d’incitation fiscale à donner reste inchangé dans sa philosophie.
La bascule dans l'histoire contemporaine du mécénat d'entreprises en France
Le mécanisme de déduction du bénéfice imposable est en effet considéré comme « peu avantageux, compliqué et au total peu incitatif », selon l’exposé des motifs de la loi Aillagon, notamment par comparaison avec les autres pays occidentaux. La loi, en basculant vers un régime de réduction d’impôt sur les sociétés, crée la définition contemporaine du mécénat d’entreprise. Cette petite révolution s’accompagne dans les années suivantes d’initiatives visant à favoriser l’initiative privée par la création de structures juridiques dédiées.
La loi "Aillagon" du 1er août 2003 : l'essor du mécénat d'entreprises en France
La loi 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations est dite « loi Aillagon » du nom du ministre de la culture et de la communication qui l’a défendue. Ce texte crée un mécanisme de réduction d’impôt sur les sociétés. Il est beaucoup plus incitatif que la déduction du bénéfice imposable qui prévalait jusqu’alors. La loi Aillagon met en place une réduction d’impôt sur les sociétés de 60% de la valeur du don, plafonnée à 5 pour mille du chiffre d’affaires. Le communiqué de presse du gouvernement de l’époque annonce qu’il s’agit quasiment d’un « doublement de l’avantage consenti par le système » antérieur.
La loi Aillagon a aussi mis en place des mesures destinées à favoriser le développement des fondations. Elle double en effet l’abattement au titre de l’impôt sur les sociétés dont bénéficient les fondations reconnues d’utilité publique.
Le rapport de la Cour des comptes en 2018 : un bilan de 15 ans d'histoire du mécénat
Quinze ans après la promulgation de la loi Aillagon, le mécénat d’entreprise a fait l’objet d’un rapport de la Cour des comptes, intitulé Le soutien public au mécénat d’entreprises – Un dispositif à mieux encadrer. La Cour constate le « succès mais aussi les transformations du mécénat des entreprises ». Elle considère que « l’enjeu de maîtrise des dépenses fiscales » justifie un bilan et des recommandations.
Le rapport de la Cour des comptes relève qu’entre 2003 et 2016, « dix fois plus d’entreprises bénéficient des avantages fiscaux en faveur du mécénat ». La Cour note aussi que « la dépense fiscale qui en résulte, c’est-à-dire le manque à gagner pour l’État en termes de recettes fiscales, s’est accrue dans des proportions comparables ». Le montant de l’abattement sur l’impôt sur les sociétés représente 930 millions d’euros en 2016.
2019, 2020, 2021 : une série de mesure pour consolider et encadrer le mécénat d'entreprise
Les recommandations du rapport de la Cour des Comptes sur le mécénat ont été globalement entendues. Les lois de finance 2019 et 2020 comportent chacune des dispositions sur le mécénat d’entreprise. Dorénavant, le mécénat d’entreprise fait l’objet d’une franchise de 20 000 euros, afin de démocratiser le financement de l’intérêt général par les petites entreprises. Le plafond de 5 pour mille du chiffre d’affaire ne s’applique qu’au delà. Pour les grandes entreprises, en revanche, au delà de deux millions d’euros de don (chiffre d’affaire supérieur à 400 millions par an), le taux de réduction d’impôt sur les sociétés est de 40% sauf pour les dons aux organismes d’aide aux personnes en difficulté.
Le mécénat de compétences fait aussi maintenant l’objet d’un plafonnement de la défiscalisation des salaires des salariés mis à disposition d’organismes d’intérêt général. Cette limite maximale s’établit dorénavant à trois plafonds de l’indice que retient la Sécurité sociale, c’est-à-dire à 10 284 euros par mois, par salarié. La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République instaure elle, enfin, des obligations déclaratives et une plus grande traçabilité.
Le mécénat permet aux entreprises de contribuer à l’intérêt général tout en bénéficiant d’avantages fiscaux et de contreparties. Pour les sociétés qui veulent démontrer leurs valeurs et engager leurs collaborateurs, le mécénat présente de nombreux avantages. Ce guide s’adresse aux entreprises qui souhaitent se lancer dans le mécénat de manière stratégique, ou améliorer plus encore leur impact social.
Conclusion sur l'histoire du mécénat d'entreprises en France
Le baromètre 2022 du mécénat d’entreprise en France d’Admical repose sur les chiffres consolidés du fisc en 2020. Il révèle qu’en 2020, le montant des dons déclarés par les entreprises auprès du fisc atteint un total de 2,3 milliards d’euros. Le nombre d’entreprise mécènes s’élève à 105 000. Si les recommandations de la Cour des comptes n’ont peut-être pas encore produit tous leurs effets, le mécanisme français du mécénat d’entreprise constitue un succès historique. Et il y a fort à parier qu’il aille croissant.
L’histoire du mécénat d’entreprises en France connait donc une accélération forte depuis un peu plus de 20 ans. Sur le temps long, elle interroge notre conception de l’Etat providence, en établissant l’idée que l’Etat n’est pas le seul comptable de l’intérêt général. La création d’une incitation fiscale forte des entreprises à donner instaure un double paradigme. D’une part, le mécénat offre un libre choix des causes auxquelles les entreprises souhaitent contribuer. D’autre part, l’incitation fiscale génère un fort effet de levier pour les ressources des organismes d’intérêt général qui y sont éligibles, et partant une dépense potentielle en moins pour l’Etat.