Pour les associations la reconnaissance d’utilité publique fait souvent office de Graal. Pour le grand public ce label est gage de fiabilité. Mais la reconnaissance d’utilité publique n’est pas un statut sans contraintes. Par ailleurs, plusieurs mesures légales, et notamment la Loi de 2014 sur l’ESS, ouvrent en partie certains avantages auparavant réservés aux organismes reconnus d’utilité publique à d’autres associations. Les motifs qui limitaient la capacité juridique des associations ne sont en effet plus vraiment d’actualité. Y a-t-il encore des avantages à être une association reconnue d’utilité publique ? Pour discuter cette question, notre article met en en exergue des avantages et contraintes de ce statut.
Ce dossier traite des réductions d’impôt sur le revenu et sur la fortune immobilière, des droits de mutation des legs et donations, et du mécénat d’entreprises. Sont aussi abordées les notions d’organisme d’intérêt général et reconnus d’utilité publique et les procédures de rescrits à la disposition des associations et fondations.
La reconnaissance d’utilité publique présente indéniablement des avantages. Le premier est l’acquisition permanente de la « grande capacité ». Ce terme juridique donne une extension de droits à l’organisme d’intérêt général qui en bénéficie. Au delà, le label d’association reconnue d’utilité publique est un argument fort de communication et de collecte de fonds.
La reconnaissance de l’utilité publique offre la possibilité de recevoir des libéralités. Une libéralité est un acte juridique. S’il est conclu entre vifs (personnes vivantes), il s’agit d’une donation. Si la libéralité est prévue dans une disposition testamentaire, il s’agit d’un legs, d’un héritage. La capacité des associations reconnues d’utilité publique à recevoir des libéralités est assurée par leur statut. Elles n’ont donc pas à s’interroger sur leur droit à recevoir legs et donations. C’est là un avantage comparatif majeur par rapport au statut d’intérêt général, quand bien même ce statut à obtenu une extension de droit en matière de libéralités. Cette capacité n’est pas cependant l’assurance d’une exonération des droits de mutation. En effet, seules certains domaines d’activité bénéficie de cet avantage.
La confusion entre « reconnue utilité publique » et « d’intérêt général » demeure souvent pour le grand public. A vrai dire, même certaines associations revendiquent être « reconnues d’intérêt général ». Cette formule n’a pas de sens quand bien même elles seraient en possession d’un rescrit fiscal mécénat. Quoi qu’il en soit, le statut d’utilité publique est généralement perçu comme un label.
Le caractère officiel de la « reconnaissance d’utilité publique » confère en effet à l’association concernée une légitimité particulière. Cette légitimité n’est que rarement usurpée, tant les conditions à remplir pour obtenir la reconnaissance d’utilité publique sont complexes à réunir. En tout particulier, avoir une part majoritaire de fonds privés dans le budget d’une association est un critère difficile à atteindre.
Si seules les associations « riches » de fonds privés peuvent accéder à la reconnaissance d’utilité publique, elles gardent ce faisant un avantage comparatif par rapport aux autres. Le label est en effet gage de qualité de gestion et une marque de confiance pour la grand public. Les donateurs sont donc plus enclins à faire des dons, et des dons importants, aux associations reconnues d’utilité publique.
L’obtention de la reconnaissance d’utilité publique par l’État implique des contreparties. Comme le dit le proverbe, « la confiance n’exclut pas le contrôle ». Ainsi le statut d’utilité publique engendre des obligations à l’égard de la puissance publique.
La tutelle de l’État sur les associations reconnues d’utilité publique s’exerce sur plusieurs actes importants de la vie de l’organisation. Lorsque l’assemblée générale d’une association modifie ses statuts, elle adresse au Ministère de l’intérieur une demande d’approbation. La même logique vaut pour le règlement intérieur. Cette tutelle sur les statuts de l’association engendre donc une perte de flexibilité dans la gouvernance des organismes reconnus d’utilité publique. C’est là un inconvénient, notamment en cas de crise institutionnelle.
La capacité d’autofinancement et la solidité financière sont des critères importants de la qualité d’utilité publique. Le Ministère de l’Intérieur exerce donc aussi son contrôle sur l’ensemble des actes de disposition. Cette notion recouvre l’aliénation de biens, les emprunts, et les hypothèques. Difficile dans ces circonstances de franchir une passe difficile discrètement…
La puissance publique, en échange de la reconnaissance d’utilité publique, demande à recevoir les comptes-rendus d’activité. L’association reconnue d’utilité publique doit aussi communiquer chaque année ses documents comptables. L’immense majorité des associations qui bénéficient de subventions est néanmoins déjà rompue à l’exercice. Au quotidien, il s’agit seulement d’ajouter le bureau des associations du Ministère de l’intérieur à la liste de diffusion un destinataire du rapport et des comptes annuels.
La puissance publique exerce potentiellement une autre modalité de contrôle : celle du droit de visite. Chaque association reconnue d’utilité publique agit dans le champ d’un ministère au moins. Ce Ministère de tutelle a rendu un avis favorable à la reconnaissance d’utilité publique de l’organisme. Il peut par conséquent venir sur le terrain vérifier que son avis est toujours justifié.
En conclusion
La reconnaissance d’utilité publique permet de collecter des fonds privés grâce à la capacité de recevoir legs et donations. Néanmoins, les associations reconnues d’utilité publique n’ont plus l’apanage de ce droit à percevoir des libéralités. Par ailleurs, le label qu’offre la reconnaissance d’utilité publique par l’État est un signal fort de légitimité de l’association dans son champ d’intervention. Ce signal s’exerçant sur les futurs donateurs, il engendre donc un potentiel de collecte de fonds exponentiel. D’autres labels, comme ceux du Comité de la Charte ou d’IDEAS existent toutefois.
On a vu, en revanche, que la reconnaissance d’utilité publique par l’État engendrait de la part de ce dernier une tutelle et un contrôle accru. Mais les associations reconnues d’utilité publique ne sont pas les seules dans ce cas. La gouvernance, enfin, perd en flexibilité, sans qu’on trouve de contreparties à cette contrainte.
La question qui se pose au final est celle de la pertinence du statut d’association reconnue d’utilité publique. En effet, les motifs ayant présidé à sa création sont en partie tombés en désuétude. D’autres types d’acteurs d’intérêt général bénéficient désormais de droits très proches des associations reconnues d’utilité publique. L’enjeu pour les pouvoirs publics n’est-il donc pas aujourd’hui de donner un nouveau contenu à la reconnaissance d’utilité publique ?
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